Pendant les jours d'orage...
C'était dans les années quatre vingt.
Ils arrivaient le soir dans notre ville, ils trouvaient souvent un abri au coeur d'un bidonville parmi d'autres des leurs.
Au matin, les hommes s'engageaient pour de durs métiers que l'on réservait, chez nous, aux machines... ou bien aux étrangers.
Les femmes vendaient des produits courants (ails, oignons, clous de girofle et pommade pour la peau) devant les portes automatiques de nos supermarchés climatisés.
les enfants, quelques jours plus tard, entraient dans notre école... Ils semblaient différents, ne parlaient pas comme nous aussi ils étaient seuls, souvent, à la récré car nos parents nous recommandaient bien de ne pas discuter avec eux.
Les adultes disaient beaucoup de choses à leur sujet... que leur île était pauvre, sale et à l'abandon. Que là-bas, un dictateur s'engraissait de leur peur et de leur misère.
Le dimanche, en famille, ils s'installaient sur les bancs de nos églises. Ils entonnaient les cantiques d'action de grâce avec tellement d'allégresse... " J'ai soif de ta présence... Oh Jésus, chef de ma foi... Non jamais tout seul... Non jamais tout seul..." qu'on les imaginait, forcément, façonnés pour le malheur.
La cohabitation n'était pas toujours simple avec nos voisins exilés, haïtiens... Méconnaissance, peur de l'autre et différence.
J'avais presque oublié. Tout est revenu tout à l'heure en écoutant cette femme à la télé chanter " Mon sauveur me garde... je ne suis jamais tout seul.
Une foi que même un tremblement dévastateur n'ébranle pas... C'est inimaginable.